Discours du Ministre Calixte Nganongo à l'occasion de la présentation du budget exercice 2018

06 Jan, 2018

Honorable Président de l’Assemblée Nationale,

Honorables membres du Bureau de l’Assemblée Nationale,

Honorables députés,

Mesdames et messieurs,

 

En décembre dernier, la session dite « budgétaire » de votre chambre a été clôturée, sans que le document principal à savoir le projet de loi de finances de l’exercice 2018, qui a justifié son ouverture ne soit déposé par le Gouvernement. Le dépôt tardif du projet de loi de finances exercice 2018, le Gouvernement de la République en convient avec vous, est vécu comme l’inobservation des dispositions de l’article 152 de la Constitution, qui prévoit que le projet de loi de finances soit déposé au Parlement, une semaine avant l’ouverture de la session d’octobre. Ce retard se justifie par la nécessité de disposer d’un cadrage macroéconomique conjoint avec les services du Fonds Monétaire International (FMI), en vue de la conclusion d’un programme économique et financier pour le Congo. Ce cadrage a servi de base d’élaboration du présent projet de loi de finances. Comme vous le savez, le Gouvernement a travaillé avec la mission du FMI du 5 au 20 décembre 2017.

 

Honorable, Président de l’Assemblée,

Le Gouvernement prend l’engagement de tout mettre en œuvre, pour qu’à l’avenir, cette prescription constitutionnelle soit scrupuleusement observée. 

 

Le projet de loi de finances de l’exercice 2018 que j’ai l’insigne honneur de vous présenter ce jour au nom du Gouvernement, a donc pris en compte, les principales conclusions arrêtées au cours de la dernière mission du FMI. 

 

Honorable Président de l’Assemblée Nationale,

Honorables membres du Bureau de l’Assemblée Nationale,

Honorables députés,

Mesdames et messieurs

Mon intervention porte sur cinq points à savoir:

  1. le contexte international et national dans lequel a été élaboré ce projet de loi de finances;
  2. l’orientation de la politique budgétaire ;
  3. les grands objectifs visés par ce projet de loi de finances ;
  4. la présentation du budget en grandes masses;
  5. le problème de financement de ce budget.

 

  1. Du contexte économique international et national

 

  1. Contexte international 

Le projet de loi de finances, est préparé dans un contexte marqué au plan international par la généralisation de l’accélération de la croissance mondiale attendue en 2017, bien qu’elle reste timide dans beaucoup de pays avancés. 

Le FMI a revu légèrement à la hausse la prévision de la croissance mondiale pour l’année 2017, de 3,4% à 3,6% sous l’effet du renforcement de l’activité dans les pays émergents et en développement (de 4,6% à 4,9%), qui profiteraient du regain des cours des matières premières, alors que la croissance de l’activité des pays avancés s’établirait à 2,0%. Cette croissance mondiale devrait se consolider à 3,7% en 2018. 

L’inflation, dans les pays avancés qui était contenue à 0,8% en 2016, est estimée à 1,7% en 2017 et se maintiendrait au même niveau en 2018. Dans les pays émergents et en développement, elle suivrait en 2018 la tendance des années antérieures, en s’établissant à 4,4%,contre 4,7% en 2015, 4,3% en 2016 et 4,2% en 2017. 

La croissance américaine en 2018 reviendrait à 2,3% contre 2,2% en 2017, et ce malgré l’affaiblissement de la croissance de la productivité totale des facteurs.  

Dans la zone euro, la croissance connaîtrait un repli de 0.2 en 2018, puisqu’elle se fixerait à 1,9% contre 2,1% en 2017, à cause d’un ralentissement attendu de la croissance allemande de 0.2 et de celle de l’Italie de 0.4

Les pays émergents et en développement d’Asie demeurent les moteurs de la croissance mondiale, avec une croissance stabilisée autour de 6,5% depuis 2016, niveau qui est aussi projeté pour 2018. L’accélération de la croissance Indienne, avec 7,4% attendue en 2018 contre 6,7% en 2017, compenserait le ralentissement de celle de la Chine qui passerait de 6,8% en 2017 à 6,5% en 2018. 

L’activité de l’Afrique subsaharienne devrait retrouver en 2018 son niveau de 2015 (3,4%), après la forte baisse enregistrée en 2016 (1,4%)et le redressement attendu en 2017 (2,6%).

Dans la zone CEMAC, la croissance peine à prendre de l’envol à cause de l’ampleur des chocs que les Etats de cette zone en majorité producteurs de pétrole, ont enregistrés depuis quelques années et du retard dans la mise en œuvre des mesures visant la résorption des déséquilibres macro-économiques et la soutenabilité budgétaire. La croissance des pays de la CEMAC révisée en 2017 à 0,5% devrait rester timorée en 2018 à 1,6%.

 

  1. Contexte national 

En 2018, l’activité économique du Congo devrait sortir de la récession, en s’établissant à 0,7%, après la chute enregistrée en 2016 (-2,8%) et qui devrait être plus importante en 2017 (-4,6%). Ce frémissement résulterait de la montée en puissance du champ pétrolier Moho-Nord, avec une production attendue autour de 100 mille barils/jour, pendant que la croissance du secteur non pétrolier demeurerait négative en 2018, avec un taux estimé à  -6,3% contre -9,2% en 2017 et -3,2% en 2016.

En 2018, le taux d’inflation se situerait à 0,9%, en-deçà de la norme communautaire de 3%. Les pressions inflationnistes seraient maîtrisées grâce à la poursuite des mesures de stabilisation amorcées depuis 2015. 

Les échanges avec le reste du monde devraient être marqués en 2018 par un compte des transactions courantes légèrement excédentaire qui représenterait 1,2% du PIB contre -13,4% et -7,4% respectivement en 2017 et 2016, ainsi que par une persistance du déficit du compte de capital et des opérations financières.

La situation monétaire en 2018 serait caractérisée par:

  • des avoirs extérieurs nets en augmentation de 9,7% du PIB ;
  • une régression du crédit intérieur net  de 7,7% ;
  • une augmentation du crédit à l’économie  de 2,3% ;
  • un accroissement de la masse monétaire de 14%.

En matière des finances publiques, la gestion prudente des dépenses publiques et le regain de la croissance économique en 2018 se reflèteraient au plan budgétaire par une amélioration du solde primaire hors pétrole qui se situerait a -6,4% du PIB global contre -23,4% en 2017 et -24% un an auparavant. Le solde primaire serait positif après plus de quatre années de déficit, il représenterait 7,1% du PIB global. Le niveau de l’amortissement de la dette extérieure due cette année a considérablement augmenté passant à 604 milliards de francs CFA en 2018. Cette situation exige une stratégie efficace de gestion de la dette à cause de son niveau élevé qui pose aujourd’hui le problème de sa soutenabilité. 

 

  1. De l’orientation de la politique budgétaire

Il ressort des négociations avec le FMI que l’économie congolaise continue de subir les contrecoups de la baisse du prix de pétrole, malgré les mesures prises par le gouvernement depuis 2015 pour réduire les déséquilibres nés de la dégradation de la situation financière. De façon générale, il a été relevé entre autres :

  • une accumulation des arriérés intérieurs et extérieurs de la dette, qui met en péril l’activité économique;
  • une baisse des réserves de change fragilisant la position extérieure du Congo.

La crise économique et financière que notre pays traverse a conduit le Gouvernement à amorcer des mesures d’ajustement interne. A l’évidence,  la politique budgétaire de l’année 2018 sera consacrée à la stabilisation, en vue de préparer les conditions de la relance de l’économie qui aura pour axes principaux, le rétablissement de la viabilité budgétaire, la soutenabilité de la dette à moyen terme et l’exécution du programme de société du Président de la République, « la marche vers le développement ». 

Elle s’inscrit également dans le cadre plus large du programme régional de réformes économiques et financières (PREF-CEMAC), lequel est censé restaurer la stabilité extérieure de la zone CEMAC et jeter les bases d’une croissance soutenue, durable et inclusive. 

Cette politique sera ancrée sur l’objectif de réduction du déficit primaire non pétrolier qui vise à contribuer à l’amélioration du niveau de réserves de change et à la restauration de la viabilité de la dette publique, tout en préservant les acquis sociaux. 

Elle requiert enfin l’engagement par le Gouvernement, des réformes hardies, en vue du renforcement de la gouvernance dans la gestion des finances publiques.

 

 

  1. Des grands objectifs visés par le projet de loi de finance exercice 2018

Le projet de loi de finances 2018 prévoit d’atteindre les objectifs ci-après :

  • réduction du déficit primaire hors pétrole ;
  • discipline budgétaire  et rationalisation de la dépense;
  • amélioration des performances des régies financières ;
  • maîtrise de la politique d’endettement et gestion rigoureuse de la dette ;
  • renforcement du système financier.

C’est pourquoi, un ensemble de réformes structurelles sera mis en œuvre pour assurer la gouvernance, restaurer la discipline budgétaire et renforcer la gestion des finances publiques. 

A ces mesures de politique budgétaire s’ajoutent celles adoptées par les Etats de la CEMAC dans le cadre du PREF-CEMAC, et qui s’agencent autour des piliers suivants :

  • la politique budgétaire visant à augmenter les recettes intérieures ;
  • la politique monétaire pour améliorer le niveau des réserves de change ; 
  • les réformes structurelles devant permettre d’améliorer le climat des affaires; 
  • l’intégration régionale ;
  • la coopération internationale.

 

  1. Du projet du budget 2018 présenté en grandes masses

D’entrée de jeu, je voudrais vous signaler que la structure de la loi de finances a changé par rapport à celle des exercices précédents, du fait des modifications induites par la nouvelle loi organique n° 36-2017 du 3 octobre 2017 relative aux lois de finances. Les recettes et les charges budgétaires sont désormais présentées par titre, suivant une nouvelle nomenclature définie à l’article 13 de la loi organique précitée. De même, les modalités d’exécution du budget font dorénavant partie de la loi de finances.

Le budget général exercice 2018 est établi en recettes à 1 522 milliards 629 millions de francs CFA et en dépenses à 1 303 milliards 629 millions de francs CFA.

Les prévisions des ressources budgétaires s’élèvent à la somme de 1 522 milliards 629 millions de francs CFA contre 1 243 milliards 300 millions de francs CFA en 2017, en augmentation de 279 milliards 329 millions de francs CFA, soit 22,47%

Les prévisions de recettes fiscales s’élèvent à 737 milliards 934 millions de francs CFA contre 769 milliards de francs CFA l’exercice précédent, en diminution de 31 milliards 066 millions de francs CFA (-4,04%).

Les impôts et taxes intérieurs s’élèvent à 621 milliards 434 millions de francs CFA contre 653 milliards de francs CFA, en baisse de 31 milliards 566 millions de francs CFA;

Les droits et taxes de douane s’élèvent quant à eux à 116 milliards 500 millions de francs CFA, quasiment au même niveau qu’en 2017 (116 milliards de francs CFA).

Les dons, legs et fonds de concours sont prévus à hauteur de 29 milliards 200 millions de francs CFA, en baisse de 15 milliards 800 millions de francs CFA (-35,11%) par rapport aux prévisions de 2017 qui s’élevaient à 45 milliards de francs CFA.

Les autres recettes sont estimées à 755 milliards 495 millions de francs CFA contre 429 milliards 300 millions de francs CFA en 2017, soit une augmentation de 75,98%.

Les recettes pétrolières s’élèvent à 749 milliards 200 millions de francs CFA (dont 741 milliards 200 millions de francs CFAde vente des cargaisons et 8 milliards de francs CFA de bonus), contre 391 milliards 300 millions de francs CFA en 2017, soit une augmentation de 357 milliards 900 millions de francs CFA (+91,49%) sur la base d’une hypothèse de production arrêtée à 117 millions de barils, un prix de baril du brut congolais fixé à 60 dollars et un taux de change à 566,7 francs CFA pour un dollar américain;

Les droits et frais administratifs sont ramenés à 2 milliards 995 millions de francs CFA contre 12 milliards de francs CFA en 2017, soit une baisse de 9 milliards 005 millions de francs CFA (-75,04%)toutefois, des mesures sont prévues dans le présent projet de loi de finances, pour améliorer le niveau de recouvrement des droits et frais administratifs.

Les intérêts des prêts sont prévus à 3 milliards 300 millions de francs CFA contre 11 milliards de francs CFA en 2017, soit une  diminution  de  7  milliards  700 millions de francs CFA   (-70,00%)

Les prévisions des dépenses budgétaires s’élèvent quant à elles à la somme de 1 303 milliards 629 millions de francs CFA contre 1 498 milliards 537 millions de francs CFA en 2017, soit une baisse de 194 milliards 908 millions de francs CFA (-13,01%), conséquence de la poursuite de la réduction du train de vie de l’Etat amorcée depuis le début de la crise en 2014.

Les charges financières de la dette s’élèvent à la somme de 146 milliards de francs CFA contre 89 milliards de francs CFA au cours du précédent exercice, en hausse de 57 milliards de francs CFA (+64,04%) qui s’explique par l’accroissement du stock de la dette

Les dépenses de personnel s’élèveront à 364 milliards 500 millions de francs CFA contre 410 milliards de francs CFA, en 2017, soit une baisse de 45 milliards 500 millions de francs CFA (-11,10%), justifiée par une meilleure maîtrise des effectifs et de certains éléments de rémunération des agents de l’Etat;

Les dépenses de biens et services passent à 172 milliards 300 millions de francs CFA en 2018 contre 205 milliards de francs CFA au précédent exercice, en baisse de 32 milliards 700 millions de francs CFA (-15,95%);

Les dépenses de transferts connaissent une légère augmentation de 829 millions de francs CFA (+0,26%), en passant de 322 milliards de francs CFA en 2017 à 322 milliards 829 millions de francs CFA en 2018;

Les dépenses d’investissement sont en forte baisse par rapport leur niveau de 2017. Elles passent en effet à 264 milliards de francs CFA (dont 130 milliards 600 millions de francs CFA de moyens librement affectables et 133 milliards 400 millions de francs CFA de ressources externes) contre 437 milliards 537 millions de francs CFA en 2017, soit -39,66%. Cette réduction  vise l’atténuation de l’impact des dépenses d’investissement à la fois sur le niveau d’endettement et sur celui des réserves de change exprimées en mois d’importations. Un accent tout à fait particulier sera mis sur le développement des filières vivrières (manioc et banane) et commerciales (cacao), comme l’a demandé le Chef de l’Etat, dans son message à la Nation. 

Les autres dépenses (anciennes charges communes) s’élèvent à 34 milliards de francs CFA en 2018, quasiment au même niveau que celui de l’exercice précédent (35 milliards de francs CFA).

 

En ce qui concerne les budgets annexes, ils sont équilibrés en ressources et en charges à la somme de 11 milliards 761 millions de francs CFA contre 3 milliards 811 millions de francs CFA en 2017, soit une hausse de 7 milliards 950 millions de francs CFA (+208,61%) qui se justifie par la prise en compte de certaines administrations publiques non dotées de la personnalité morale, qui encaissent des redevances pour des prestations de services fournies.  

Les comptes spéciaux du trésor sont quant à eux équilibrés en ressources et en charges à la somme de 68 milliards 229 millions de francs CFA contre  10 milliards 937 millions de francs CFA en 2017, soit une très forte augmentation de 57 milliards 292 millions de francs CFA (+523,84%). Ils prennent en compte les cotisations sociales, en application des dispositions de l’article 13 de la Loi Organique relative aux lois de finances. 

En définitive, le budget de l’Etat est  arrêté en ressources à 1 602 milliards 619 millions de francs CFA, et en charges à 1 383 milliards 619 millions de francs CFA.

Les recettes budgétaires sont donc supérieures aux dépenses budgétaires pour un montant total de 219 milliards de francs CFA, représentant un excédent budgétaire prévisionnel. 

S’agissant de la trésorerie, les ressources de trésorerie sont prévues pour la somme de 200 milliards 200 millions de francs CFA contre 635 milliards 049 millions de francs CFA en 2017, soit une variation négative de 434 milliards 849 millions de francs CFA (-68,47%). 

Les charges de trésorerie quant à elles sont prévues pour la somme de 979 milliards 100 millions de francs CFA contre 379 milliards 812 millions de francs CFA en 2017, en forte hausse de 599 milliards 288 millions de francs CFA (+157,79%), du fait de l’importance du service de la dette et de la constitution des provisions pour contribution aux réserves de change. 

Il se dégage ainsi un déficit de trésorerie de 778 milliards 900 millions de francs CFA, contre un excédent de trésorerie de 255 milliards 237 millions de francs CFA en 2017, soit une dégradation de la trésorerie de 1 034 milliards 137 millions de francs CFA (-405,17%), ce qui pose le problème de financement de ce déficit. 

 

 

  1. Le problème de financement posé par ce projet de loi de finances

Le déficit de trésorerie de 778 milliards 900 millions de francs CFA ne pourra être résorbé par l’excédent budgétaire de 219 milliards de francs CFA dégagé supra. Il subsiste donc un déficit résiduel de 559 milliards 900 millions de francs CFA, à financer sur des ressources à rechercher. 

La recherche du financement de ce gap constitue donc le principal problème à résoudre en 2018. Etant donné que ce déficit résulte principalement du niveau élevé du service de la dette extérieure, les efforts du Gouvernement seront concentrés sur les négociations avec les créanciers du Congo, dans le but d’obtenir un retraitement de la dette extérieure pour la rendre soutenable. 

Honorable Président de l’Assemblée Nationale,

Honorables membres du Bureau de l’Assemblée Nationale,

Honorables députés,

Mesdames et messieurs,

Telle est l’économie de ce projet de loi de finances exercice 2018 soumis à votre examen.

 

Je vous remercie pour votre bienveillante attention.

 

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